Je m’appelle Nele et j’ai 39 ans. Je travaille en shifts et j’ai un fils de 8 ans. Je savais depuis longtemps que j’étais atteinte de FAP, mais je ne m’en étais jamais vraiment préoccupée… jusqu’à ce qu’on m’annonce que je devais me faire opérer. Je me suis dit : « Mince, et si je veux des enfants ? » J’en voulais certes, mais pas tout de suite. Et j’ai eu peur parce qu’on m’a dit que ma fertilité allait diminuer un peu après l’intervention. Mais mon partenaire de l’époque et moi avons alors rompu, ce qui m’a amenée à « classer le dossier ». Mon nouveau conjoint m’a beaucoup soutenue, mais il n’avait pas spécialement envie d’avoir des enfants. Un beau jour, il a pourtant changé d’avis.
Si je comprends bien, vous ne vous êtes pas fait opérer jeune ?
Non. J’ai su que je souffrais de FAP à l’âge de 15 ans. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans que j’ai accompagné ma mère à Louvain. Elle devait subir une lourde opération. Quand les médecins m’ont examinée, ils m’ont dit que je n’avais encore rien à craindre, mais qu’il ne fallait pas que mon état s’aggrave. Je prenais la pilule, à l’époque, parce que j’avais des problèmes hormonaux. On m’a dit que ce n’était pas une bonne idée et que je devais me faire opérer au moindre changement de situation. À mes 25 ans, les médecins ont fini par m’avertir qu’il n’était plus question de reporter plus longtemps. J’ai paniqué, car j’ignorais ce qui m’attendait. La technique des poches n’en était encore qu’à ses balbutiements et j’avais l’impression que les médecins ne savaient pas tout…
Avez-vous pu poser vos questions et vous a-t-on parlé des conséquences ?
J’ai eu deux entretiens avec le chirurgien. Pendant le premier, il m’a expliqué le déroulement de l’opération sur un dessin. Il m’a d’emblée prévenue que je risquais de me réveiller avec une stomie, car ils ne savaient pas dire ce qu’ils allaient trouver à l’intérieur. Mais il m’a rassurée, en me disant que la stomie serait temporaire.
Il m’a aussi expliqué que j’allais devoir adapter mon alimentation. Ça m’a semblé logique, car ils devaient retirer beaucoup ; il faut du temps au corps pour se remettre. La plaie cicatrise vite, mais il s’ensuit une longue convalescence. On m’a dit : « Vous pourrez manger certaines choses et pas d’autres, ce sera à vous de le sentir. » On ne m’a pas imposé de régime. D’après les médecins, je pouvais manger de tout. Ils m’ont très bien expliqué comment ils allaient procéder, ce qu’ils allaient faire et quelles pouvaient être les conséquences.
Avez-vous abordé le désir d’enfant à ce moment-là ?
Oui, le chirurgien m’a dit : « Je vois que vous aimeriez avoir des enfants, mais n’oubliez pas que votre fertilité va baisser. » Il avait apparemment lu dans mon dossier que j’avais évoqué ce désir d’enfant. Il n’excluait pas que je tombe enceinte, mais il se pouvait que ça prenne un peu plus de temps. En ce qui concerne l’accouchement, il se ferait quoi qu’il arrive par césarienne. Il y a toujours un risque de déchirure et les médecins voulaient l’éviter vu les énormes répercussions d’un éventuel problème. Tous les organes sont très proches. J’ai accepté la césarienne sans hésiter ; je préférais cette option à renoncer à devenir maman.
Vous a-t-on conseillé d’attendre avant de tomber enceinte après l’intervention ?
La première chose que j’ai faite en me réveillant a été de sentir si j’avais une stomie. Le stress s’est un peu dissipé. C’était l’une de mes grandes inquiétudes. Je ne me suis pas tout de suite refocalisée sur mon désir d’enfant : ma priorité était de guérir et de retrouver la forme. Les médecins m’ont prévenue que la convalescence allait être longue. Je n’avais pas de suture, juste une petite cicatrice au niveau du maillot, mais elle a vite guéri. Je me suis ensuite concentrée sur mon alimentation : ce que je pouvais manger ou pas. Dès que j’ai senti que je pouvais augmenter un peu les quantités, on a fait un pas en avant. Mais on n’a jamais fixé d’échéance : à partir de maintenant, il faut attendre la grossesse. Je venais tout juste de me remettre en couple, nous n’étions donc pas pressés.
Certaines personnes optent délibérément pour la fécondation in vitro, pour le diagnostic préimplantatoire. Avez-vous envisagé cette voie ?
J’en ai parlé aux médecins après l’opération. Ils m’ont dit qu’une FIV réduirait le risque que mon bébé soit atteint de cette maladie. Mais ils m’ont aussi dit qu’il était préférable que je tombe enceinte naturellement. Une FIV peut être un processus difficile. J’en ai discuté avec mon conjoint et nous nous sommes dit que la science médicale évoluait si vite qu’il pourrait être possible de traiter la FAP à l’avenir. Mais dame Nature n’y a pas mis du sien. J’ai développé une endométriose, sans qu’on puisse déterminer si elle était liée à la FAP. Et comme je n’étais toujours pas tombée enceinte après deux ans et demi, mon gynécologue nous a suggéré d’essayer tous les jours. J’ai craqué mentalement. Ce fut une période éprouvante.
Les médecins sont alors intervenus et nous ont envoyés à l’UZ Brussel, où nous avons entamé des entretiens avec des médecins et des psychologues. Ils nous ont dit que l’endométriose m’empêchait de tomber enceinte. Mais ils m’ont rassurée en me disant que je serais bien entourée : « Nous pouvons entamer une procédure de FIV et si nous plaçons l’embryon au bon endroit, vous pourrez tomber enceinte. » Je me suis donc inscrite sur une liste d’attente de 9 mois ; 9 mois durant lesquels j’ai effectué toutes sortes d’examens et des prises de sang, des tas de prises de sang. Au bout de 6 mois, on a pu commencer la FIV. Mais bizarrement, je suis tombée enceinte naturellement. Nous étions aux anges, mais l’euphorie est vite retombée, car il s’agissait d’une grossesse extra-utérine. Nous n’avons jamais su si l’endométriose était en cause.
Même si j’étais désespérée, les médecins de Bruxelles m’ont dit qu’en réalité, cette grossesse était une bonne nouvelle. Elle apportait la preuve que je pouvais tomber enceinte. Il suffisait de placer l’embryon au bon endroit. Nous avons donc entamé ce processus très éprouvant, tant pour mon conjoint que pour moi. Nous avons eu des tonnes de rendez-vous : prélèvement d’ovocytes, fécondation et transfert d’embryon. La bonne nouvelle : je suis tombée enceinte du premier coup. Ils ont prélevé 8 ovocytes, ils sont parvenus à en féconder 7 et il n’en restait qu’un qu’ils pouvaient utiliser pour moi. Cet ovocyte n’avait que 2 % de chances d’avoir hérité de la FAP ; les 6 autres ne convenaient donc pas. Il y avait donc un risque très élevé de transmission de la FAP. Mais les médecins sont parvenus à choisir le seul bon. Incroyable, non ?
Ça vous a convaincue que vous étiez entre de bonnes mains, non ?
Oui, j’ai été bien prise en charge. Je dois bien avouer qu’après le transfert d’embryon, j’ai eu peur de le perdre, peur qu’il tombe. C’est étrange, parce que ce n’est évidemment pas possible. Tous les membres de l’équipe m’ont parfaitement entourée. Ils connaissent leur métier, ils sont soudés et travaillent bien ensemble. Ils parlent de tout entre eux, ça met à l’aise. C’est la même équipe qui effectue ensuite les tests de mutation chez l’enfant. Mais mon fils est né avec une hernie inguinale et je voulais lui épargner cette analyse de sang juste après la naissance. En principe, on suggère de refaire le test à l’âge de 2 ans ou après, mais je ne l’ai pas fait. Je n’ai toujours pas fait tester mon fils à ce jour ; en fait, je ne sais pas trop comment lui en parler. Comme il souffre d’un autisme léger, je suis un peu perdue. Comment aborder le sujet ? Mais je vais quand même le faire tester, pour me rassurer. J’ai envie de savoir s’il a hérité de la maladie.
Mais si j’ai bien compris, le risque qu’il soit porteur de la mutation est faible. Le besoin de connaître le résultat de cette analyse de sang est-il toujours aussi fort ?
Je le fais plutôt pour moi, car si mon petit garçon n’a pas hérité de la mutation, je serais le dernier membre de la famille à souffrir de FAP. Ce serait rassurant. Mais je ne veux pas non plus le perturber en lui disant qu’il se peut, même si les chances sont minces, qu’il ait une maladie héréditaire. Et comme il m’a fallu beaucoup de temps pour tomber enceinte, je suis une maman très protectrice.
Revenons peut-être à la période heureuse de la grossesse. S’est-elle bien passée ?
Oui. Le seul inconvénient c’est que je savais quand j’allais devoir accoucher. Pendant une grossesse normale, on ne connaît pas le moment précis. Plus la date approchait, plus j’étais stressée. Je ne savais pas exactement à quoi m’attendre. Mais heureusement, tout s’est bien passé, même la convalescence. Certains disent que la césarienne est l’accouchement le plus facile, mais ce n’est pas vrai. Vous avez conscience de tout ce qui se passe, mais vous n’avez aucun contrôle. Tout se passe hors de vous. Je regrette donc de ne pas avoir pu vivre un accouchement naturel : perdre les eaux, avoir des contractions et devoir pousser…
J’ai ensuite dû me remettre en forme, et ça, ça prend beaucoup de temps. Au début, quand j’allais me promener, mon corps réagissait immédiatement : stop ! Les examens que j’ai faits trois mois après l’accouchement ont révélé que tout allait bien. Ouf ! Il reste quelques petits polypes, mais pas trop. La grossesse n’avait pas eu d’impact considérable sur la formation de polypes, contrairement à ma pilule. Quand la question de la contraception s’est reposée, mon médecin a refusé de me prescrire la pilule. J’ai fait poser un stérilet, mais ça n’a pas été une franche réussite non plus. Je dois donc faire attention, car j’ai aujourd’hui des rapports sexuels sans contraception. Mais c’est toujours mieux que voir la FAP revenir en force.
Avez-vous un conseil à donner aux jeunes femmes qui vont devoir se faire opérer ?
Surtout, n’attendez pas trop longtemps. La santé passe avant tout et il faut lui donner la priorité. Et comme une grossesse est tout à fait possible par la suite, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Posez toutes les questions qui vous passent par la tête pour que tout soit clair à vos yeux. N’hésitez pas non plus à reposer les mêmes questions : une autre personne vous expliquera peut-être les choses d’une autre manière, qui vous conviendra mieux. Les médecins peuvent aussi vous orienter vers quelqu’un qui est déjà passé par là. Je n’ai pas eu cette chance, mais ça aurait pu faire la différence pour moi.
Il est également essentiel d’aller là où l’expertise est la plus grande. Quand on doit se soumettre à une procédure aussi éprouvante, mieux vaut se tourner vers un centre doté des connaissances et de l’expérience nécessaires, même si ce n’est pas la porte à côté.