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Hilde est atteinte du syndrome de Lynch

Je m’appelle Hilde, mère de 2 enfants, médecin, compagne et je suis une patiente Lynch. Je suis la première personne de ma famille à avoir eu ce diagnostic. Mon père a eu un cancer colorectal à 36 ans, et en est mort à l’âge de 41 ans. Sa sœur a eu une tumeur au cerveau et en est morte à l’âge de 40 ans. Mon grand-père a eu un carcinome de la vessie, lui aussi avait à peine 50 ans. Il semble donc évident que dans ma famille, aussi petite soit-elle, le risque de cancer est élevé.

Diagnostic tardif

Cela fait à peu près 14 ans que j’ai reçu un diagnostic d’endométriose (maladie qui se manisfeste par la muqueuse de l’utérus se situant hors de l’utérus). A ce moment-là, je suivais un traitement FIV qui me permettra finalement de donner naissance à ma fille. Lorsque j’avais des maux de ventre  -et cela arrivait régulièrement- je pensais à l’endométriose. La douleur empirait constamment, mais je pensais que c’était lié au stress car elle était particulièrement intense le matin.

Cela avait atteint un tel degré que j’étais en permanence dans l’attente de la prochaine prise d’antidouleurs. Après un moment, au vu de mon histoire familiale et du fait que j’avais perdu du poids sans raisons apparentes, le cancer colorectale m’est venu à l’esprit. J’ai donc reçu une coloscopie sans autre examen, aucun prélèvement sanguin, aucun examen d’imagerie médicale. Lors de la coloscopie, rien de spécial n’a été remarqué, à part un polype. J’ai donc pensé : Super ! Tout va bien. Mais une semaine plus tard, mon compagnon, qui lui aussi est un médecin, m’a dit avoir des doutes et m’a envoyé chez un gynécologue. J’y ai reçu une laparoscopie d’urgence en raison d’une rotation de l’ovaire à cause d’une tumeur, et au cours de cette procédure la tumeur a été fissurée. C’était un cancer de l’ovaire. Puis une semaine plus tard, à cause de cette fissure et mon état de panique qui en a résulté, j’ai subi une opération dans le même hôpital, afin d’enlever le tissu tumorien restant. Cela s’est passé en 2012. Un CT-scan peu après l’opération a révélé des « métastases péritonéales ». L’évacuation du tissu tumorien avait donc été incomplète.

J’éprouve beaucoup de regrets de ne pas avoir été opérée par un chirurgien ayant beaucoup plus d’expérience, car pas mal d’études montrent que le facteur qui prédit le mieux la survie à long terme au cancer de l’ovaire est le fait qu’il ne reste aucune tumeur visible. En d’autres termes, la compétence et l’expérience du chirurgien sont les plus grands déterminants de la survie. Il est également vrai que si le cancer revient, on tombe par définition dans la catégorie « palliatif ». Le chirurgien a donc une très grande responsabilité.

Un parcours long avec des ‘hauts’ et des ‘bas’

J’ai également eu beaucoup de complications, qui ont causé des hospitalisations fréquentes au cours des six premiers mois. Certains d’entre elles me font encore souffrir quotidiennement. Après l’intervention, le chirurgien m’a renvoyé chez moi avec une occlusion intestinale et un abcès à l’estomac. Lorsque j’ai dit que j’avais mal, la réponse était que tout était normal.

J’ai eu du mal à marcher au début car j’avais une parésie (paralysie partielle de ma jambe) à cause de l’opération. La cause s’est avérée être une pression à long terme sur le nerf pendant la chirurgie en raison d’un écarteur obsolète. Je marchais avec un déambulateur. Il faut savoir que ma fille à ce moment-là n’avait que 5 ans. Je ne pouvais pas conduire, ni prendre les transports publics. Je ne pouvais presque rien faire à la maison. J’ai également trouvé l’incertitude quant à ma récupération et mon regain d’indépendance après cette paralysie partielle, particulièrement pénible. Heureusement, après 6 mois, cette jambe allait bien.

J’ai également eu, après l’opération, une accumulation du liquide lymphatique qui était devenue trop grande et dangereuse pour mon rein. J’ai dû subir une ponction à plusieurs reprises. J’ai également eu beaucoup d’infections rénales récurrentes après l’opération, ce qui a abouti, en 2019 sept ans plus tard, à une ablation d’un rein qui ne fonctionnait plus. Si je m’étais retrouvée dans un hôpital spécialisé dans le cancer de l’ovaire, dans le même esprit que les revendications qui ont déjà été faites dans le même sens pour le cancer du Pancréas ou de l’œsophage, mon histoire aurait peut-être été différente.

Mes douleurs à l’estomac ont toujours persisté. Mon taux de marqueur tumoral était élevé, mais on pensait que c’était lié aux complications dans mon estomac. Pendant quelques mois, j’ai eu des saignements anaux, mais je les attribuais à un effet secondaire de l’ « Avastin ». Puis, je me suis fait faire une coloscopie courte, afin d’être certaine de la localisation où la tumeur se développait. Sur l’IRM et le PET-CT scan, les métastases s’étaient étendues. Ça ne se présentait pas bien. Un oncologue n’a suggéré que de la chimiothérapie palliative et une survie estimée jusqu’à trois ans.

L’importance de l’expertise

J’ai fait la connaissance du Prof. Ceelen (UZ Gent) grâce à des recherches sur internet. Et sur l’insistance de mon compagnon, un « debulking » avec HIPEC (procédure au cours de laquelle la cavité abdominale est rincée après l’opération avec une chimio chauffée) a été effectué un an après la première opération. La veille de l’opération au soir, le professeur a déclaré qu’il avait examiné l’imagerie médicale et ne savait pas qu’elle était si mauvaise et que nous ne misions que sur la qualité de vie. J’ai alors supplié, dit que j’avais des enfants, etc. J’avais également des dessins de ma fille que j’avais déjà suspendus dans la chambre.

Cette opération a duré 12 heures, et a heureusement permis d’enlever toutes les tumeurs macroscopiques.  Elle était encore plus lourde que la première, mais ma récupération était plus rapide et je ne me sentaits pas aussi fatiguée. Aucune complication non plus. Pas très longtemps après cette intervention, 4 nouvelles tumeurs avaient déja apparu sur les CT Scans. J’ai à nouveau reçu de la chimiothérapie, mais sans beaucoup de succès. Heureusement, le Prof. Ceelen a bien voulu m’opérer de nouveau en Février 2014 : le troisième « debulking » avec le deuxième HIPEC.

La confirmation du diagnostic

Il y avait beaucoup de réticence au début, car un diagnostic, à l’époque, n’impliquait pas de changement au niveau du traitement. Cependant, chaque femme devrait avoir le droit, en particulier pour ses enfants, d’être testée en cas de doute ou de suspicion d’une maladie héréditaire. Déjà en 2012, je me doutais que c’était le syndrome de Lynch. Au final, je n’ai reçu le diagnostic qu’à la fin de l’année 2015, en partie parce que quelque chose s’était mal passé sur le plan administratif. Mais mon expérience m’a appris que très peu de médecins connaissent la maladie. Et s’ils connaissent déjà le syndrome, la plupart pensent principalement au risque considérablement accru au cancer du côlon, pas tellement au risque accru au cancer de l’estomac, de l’intestin grêle, du foie,  de la vésicule biliaire, du pancréas, du rein et de la vessie, de l’endomètre, de l’ovaire, aux tumeurs cérébrales, au cancer de la peau.

Je suis moi-même médecin, et avec mes antécédents familiaux, j’ai rapidement pensé à une maladie héréditaire. Je trouve cela dommage que, même après une rechute, ma tumeur n’ait pas été testée pour des valeurs MSI. Je trouve cela grave qu’un cancer de l’ovaire n’induise pas à être testé pour le syndrome de Lynch, parce que le cancer de l’ovaire est moins fréquent que le cancer du colon ou de l’endomètre. Le gène BRCA est envisagé mais le syndrome de Lynch est ignoré.

Je pense que beaucoup de souffrances auraient pu être évitées si j’avais su à temps que j’étais atteinte du syndrome de Lynch. J’aurais peut-être alors reçu une thérapie appropriée, une chimio dfférente. Je trouve cela regrettable. 

Thérapie Complémentaire

En 2014, j’ai donc dû me faire opérer de nouveau à l’UZ Gent. Cette procédure avec HIPEC a duré 8 heures et, le chirurgien a heureusement pu retirer l’ensemble du tissu tumoral. L’oncologue a alors suggéré d’arrêter la chimio, mais j’ai trouvé cette idée assez effrayante. J’ai pensé que je devais moi-même prendre les choses en main et je me suis retrouvé avec un médecin orthomoléculaire. Un tel médecin part de la nourriture comme thérapie (préventive) avant de recourir aux médicaments. Je reçois également une dose élevée supplémentaire de vitamines C par voie intraveineuse.

J’ai également commencé à prendre de l’Asaflow® et beaucoup de suppléments alimentaires. Le médecin m’a prescrit un certains nombres de choses, mais j’ai également fait mes propres recherches sur internet. Ce que j’ai essayé de faire c’est d’agir sur autant de voies ou de processus métaboliques du cancer de l’ovaire que possible. Parce que je ne suis pas de chimiothérapie, je n’ai heureusement pas à prendre en compte les interactions possibles d’une chimio et des compléments alimentaires. Mais c’est un élément à prendre en compte si on suit une chimio, car les effets de celle-ci peuvent être potentiellement affaiblis ou renforcés. J’ai beaucoup cherché dans PubMed et de nombreux livres sont disponibles sur Internet. J’ai donc commencé à travailler sur l’immunité, comme avec Iscador®, un produit à base de gui. En fait, le marqueur tumoral n’a jamais été aussi bas depuis la dernière intervention chirurgicale que j’ai subie. En septembre, il était à son point le plus bas, mais le problème est que je ne peux pas identifier avec certitude comment j’en suis arrivé là, ni à quoi c’est dû.

Immédiatement après ma dernière opération en 2014, j’ai également commencé un régime alimentaire à base de plantes entières. J’avais -et je continue de le faire-beaucoup étudié la littérature scientifique médicale (basée sur des preuves) sur la nutrition. Les composants des produits alimentaires et leur effet m’ont toujours fasciné.

Concrètement, je ne mange plus de viande, n’utilise que des aliments à base de plantes, et je recherche les nutriments que contiennent de nombreux flavonoïdes. Donc l’oignon rouge au lieu du blanc, pamplemousse rouge au lieu du jaune, riz noir au lieu du blanc et ainsi de suite. J’essaie également de faire de l’exercice régulièrement. oui, j’ai en fait complètement adapté mon style de vie. Mais quel élément précis fait que ça se passe bien aujourd’hui? je ne sais pas. Peut-être la combinaison de tout? Je suis convaincu en tout cas que la lutte contre le cancer doit se faire de manière multifactorielle.

Je médite régulièrement, ou du moins j’essaie. Je dis également à mes médecins traitants ce que je prends comme médicaments hors AMM (Autorisation de mise sur le marché)  et autres suppléments, et je n’ai jamais reçu aucune réaction négative. Je pense que c’est mon rôle de communiquer à ce sujet.

L’avenir

Je trouve que le plus difficile, lorsqu’on est atteint du syndrome de Lynch, concerne les enfants. Ils ont maintenant 12 et 20 ans, et ma fille de 12 ans veut vraiment savoir si elle a hérité de la mutation. Mais elle ne peut être testée qu’à partir de 18 ans. Nous aimerions qu’elle soit testée à temps car le cancer du côlon survient chez des individus de plus en plus  plus jeunes. Mon fils n’a pas « le temps » de se faire tester pour le moment. Je n’arrive pas à le convaincre de l’utilité de le faire maintenant. Ma vie aurait été très différente si je l’avais su plus tôt. C’est pour cette raison que je pense que le test génétique est si important. Je souffre, jour après jour, des conséquences des nombreuses interventions chirurgicales. Je ne peux plus travailler. J’ai eu 6 sessions de FIV. L’endométriose combinée au syndrome de Lynch prédisposent au carcinome ovarien, mais si on ne le sait pas, il sera impossible d’en tenir compte. Avec l’examen gynécologique annuel et le frottis vaginal, certaines choses peuvent être également manquées. Encore une fois: si vous êtes plus susceptible de développer un cancer gynécologique et que vous en êtes informé, vous pouvez donc être suivi de manière plus intensive et plus étroite. Car, un suivi tel qu’il est fait dans la population moyenne est insuffisant.

C’est pour moi étrange d’avoir un cancer à l’âge de la mort de mon père. Et en ce qui concerne les enfants, je voudrais les rendre aussi indépendants que possible car je réalise que je peux mourir jeune. Ma fille a maintenant 12 ans et j’avais 12 ans lorsque mon père est décédé, mais je sais qu’il est possible de faire face à cela. C’est peut-être une idée étrange, mais c’est ce que je ressens. Mon expertise vient de mon expérience et avec cette expérience je peux décider de faire les choses différemment et cela me fait du bien. Les choses que l’on a manqué lorsqu’on était enfant , on peut les organiser soit-même dans sa propre famille. Cela a un effet curatif. Je peux travailler là dessus et cela compense en partie le fait que je ne peux plus avoir de vie professionnelle en raison de mes problèmes intestinaux, mes troubles de mémoire, notamment la recherche de mots. Je me fatigue également très rapidement, donc être médecin gééraliste ou travailler en médecine générale n’est plus une option. Le fait d’avoir moi-même eu un mauvais diagnostic, pourrait rendre difficile la consultation avec quelqu’un qui s’amènerait avec un problème. Je serais souvent impatiente. En raison de ma propre expérience, j’aurai également peur de faire un mauvais diagnostic. Lorsque j’ai fait une rechute et que j’avais mal, la douleur diminuait quand je dormais un petit peu. Et on pense donc au stress et pas tant que çà au cancer. Ma confiance dans le monde médical a diminué. Je sui décue. J’ai l’impression également que je n’ai pas souvent été bien informée. Le premier chirurgien a au départ minimisé la situation et j’avais un mauvais pressentiment à l’époque. Je n’ai pas écouté mon impression et mon intuition et pour cela j’en éprouve des regrets jusqu’aujourd’hui. 

Des changements nécessaires

Lors de ma première intervention, j’ai subi une chirurgie rectale car il y avait également des tumeurs. Il est normal ,dans ce cas, de recevoir un traitement du kinésithérapeute afin d’exercer le muscle du plancher pelvien. Rien ne m’a cependant été suggéré à l’hôpital. Je me suis donc retrouvé à l’UZA (Antwerpen) six ans après ma première opération. C’est là que j’ai appris, entre autres, ce que sont les lavements intestinaux avec le système Peristeen®. Malheureusement en Belgique, ils ne sont pas remboursés et pourtant ils aident. Mais je trouve cela très négligent de ne pas informer les patients des conséquences possibles après une opération ou de ne pas leur fournir du soutien supplémentaire. Je constate également un manque d’attention à la qualité de vie à long terme chez les patients qui survivent au cancer.
L’opération a été très lourde en j’en souffre encore. Pour finir, j’ai également suivi une kinésithérapie du plancher pelvien, qui n’a malheureusement pas eu l’effet escompté. Je trouve cela inimaginable qu’il n’y ait aucun accompagnement au cours de la période avant et après l’opération. J’ai en plus, à un moment donné, été admis pour une obstruction de l’intestin grêle, et cette fois encore, aucune explication ne m’a été donnée sur ce que je devais éviter ou privilégier en terme de nutrition. J’ai vu une diététicienne après ma première chirurgie en raison de ma maigreur. On m’a alors prescrit Fortimel® et des conseils sur les aliments riches en calories, et c’est tout.
J’expérimente toujours pour éviter des choses comme la diarrhée ou les flatulences. Mais si tant de patients m’ont déjà précédé, pourquoi n’apprend t-on pas de cette expérience? Les choses changent également au fil du temps, donc les conseils nutritionnels doivent être durables. C’est pour cette raison que je suis si heureuse du projet que FAPA mène sur la nutrition et la digestion avec les onco-diététiticiens.      

Quelques conseils de la part de Hilde

Les opérations pour les tumeurs rares doivent être réalisées dans un centre d’expertise. Cela a un impact énorme sur la survie et la qualité de vie. Les médecins doivent être sensibilisés pendant leur formation sur:

  • L’importance des antécédents familiaux (particulièrement dans les cas de cancer inhabituellement précoce et/ou dans les cas où il y a énormement de cancer dans la famille). Cela ne coûte absolument rien. Il suffit d’oser, de vouloir demander.
  • le traitement d’un patient atteint de cancer ne peut être fait seul, avec un seul traitement et sans être ouvert à des options supplémentaires (la médécine alternative pour ceux qui y sont ouverts, la diététique, les suppléments avec un éventuel effet anti-cancéreux,…)

En tant que patient:

  • Demandez plusieurs avis à différents endroits. Ne restez pas passif.
  • Si vous soupconnez un facteur héréditaire, demandez vous même un avis génétique.
  • Demandez une approche multi-disciplinaire : chirurgien, diététicien, psychologue, kinésithérapeute, généticien,…
  • Tenez toujours votre médécin de famille informé et impliquez le dans vos soins en tant que coordinateur et avocat de votre cause

  • Rejoignez une association de patients, car ensemble vous êtes plus forts.
  • Les associations de patients  (comme FAPA) jouent un rôle cruciale: Elles sensibilisent et communiquent avec des scientifiques, des cliniciens, des politiciens et des patients.
  • Les organisations de patients savent également où le suivi est de meilleure qualité.


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